Cette fin d’année 2021 et ses températures si variables, alternant entre gelées et douceur, a laissé présager un printemps 2022 compliqué pour nous, agriculteurs. On ne peut plus faire comme si rien n’avait changé ; il devient difficile d’organiser les plans de cultures ou de travaux. Bercées par des dictons qui rythmaient les saisons, des générations de paysans ont vécu en symbiose avec la nature. Maintenant on en vient à se méfier d’elle.
Tout le monde a entendu parler du scandale du chlordécone et de ses ravages, aux Antilles en particulier, ou bien de celui des néonicotinoïdes qui continue pour une poignée de betteraviers, comme celui du glyphosate pour les durs de la chimie.
Dernièrement, vous avez peut-être été sollicité pour une consultation sur la PAC. Cette PAC qui pourrait, si les aides étaient bien ciblées, influencer vertueusement les pratiques agricoles. Ces aides en partie renationalisées pour leurs répartitions qui, en France, vont malheureusement (comme d’habitude…) aux 20 % des plus grosses exploitations…
Vous avez peut-être eu connaissance du recensement agricole : la dégringolade se poursuit avec 100 000 fermes de moins en dix ans ! Il en reste 380 000, de plus en plus grandes, et il est toujours aussi difficile de s’installer si l’on n’est pas issu du milieu agricole. Le pire est à venir : d’ici dix ans, 200 000 fermes de plus vont tirer le rideau, sans repreneur, si rien ne change.
Les pouvoirs publics doivent prendre la mesure du défi en s’appuyant sur ces espaces- tests qui germent un peu partout (voir dossier) pour former et lancer de nouveaux agriculteurs ; ils doivent aussi favoriser les abattoirs de proximité, ou, mieux, à la ferme, pour respecter le bien-être animal. Hélas, les ministres de l’Agriculture et de l’Économie ont dévoilé à l’automne la promesse d’une agriculture numérique, robotique et génétique qui sera le quotidien des 180 000 agrimanagers qui vont rester.
Les pistes sont nombreuses pour les membres de notre association, professionnels ou consommacteurs. Consommacteurs, des pétitions sont à signer régulièrement, et aussi, plus concrètement, des élus proches sont à interpeller.
Nous pouvons agir, par nos choix de consommation, par le soutien à toute forme de partage du foncier qui doit aider de nouveaux paysans à s’installer sans s’endetter pour les terres. Des structures pionnières sont déjà à l’œuvre, qu’il faut soutenir financièrement : Terre de liens, SCIC, actions de collectivités locales, de coopératives…
Le dossier de ce numéro vous fera voyager à travers un certain nombre d’alternatives agricoles qui se bâtissent.
Nous pouvons aussi soutenir davantage nos foires N&P, accroître notre visibilité en organisant des visites de fermes et en tenant des stands sur toutes les manifestations où on veut de nous.
On peut s’appuyer sur l’approche ludique et très pédagogue de Marc-André Selosse pour montrer ce que doit être un sol N&P avec ses effets bénéfiques sur notre santé.
Nous nous devons de relever le flambeau pour maintenir cette belle image de la bio qui semble s’effriter dans l’opinion du fait de l’intégration de la bio officielle à l’agriculture productiviste (un sondage montre que les Français placent le local avant le bio).
Je terminerai par l’immense regret d’avoir perdu pour notre Groupe et pour notre Fédération une pierre angulaire de la Comac et du comité technique interne, mais surtout un homme discret, serviable, d’humeur égale avec toujours une pointe d’humour très British : Lynton Herbert.
Au lieu du banal « bonne année », je propose que chacun ou chacune agisse comme le colibri de Pierre Rabhi qui lui aussi vient de nous quitter, c’est-à-dire se fixer pour 2022 (au moins) une action qui fera que cette année soit bonne. Tout en unissant nos forces dans l’action collective… autour de Nature & Progrès bien sûr, mais pas que…
Louis Julian, viticulteur
Nature &Progrès Gard